De quel patrimoine architectural pouvons-nous nous prévaloir
dans quelques années avec la frénésie de la modernisation mal conçue qui nous
tient au collet ?
Cette question mérite d’être posée à nos dirigeants
Dans le cadre du programme de rénovation du bâtiment qui
l’abrite, La direction générale du patrimoine bâti public a récemment aménagé
dans ses locaux précisément dans le hall un espace où des photos de bâtiments, rues
et endroits symboliques de la capitale Conakry ainsi que de quelques villes de
l’intérieur du pays sont exposées. De ces images vieilles parfois de plus d’un siècle se dégage une âme. Leur observation a comme
un pouvoir mystique de réveiller chez
ceux qui en font l’expérience et qui arrivent à reconnaitre ces bâtiments, rues
et endroits les sentiments que seul "chez soi" sait faire naitre et
entretenir.
Malheureusement certains de ces bâtiments, rues et endroits
ne sont plus reconnaissables aujourd’hui. Prenons par exemple les bâtiments,
ils seraient tombés en ruine par suite d’abandon ou ils auraient été démolis au
profit d’immeubles soi-disant modernes.
La présidence de la république (Sekhoutoureya) qui était une
immense bâtisse coloniale d’une grande richesse architecturale empreinte
d’histoire a disparu au profit d’une autre bâtisse sans qu’il ait eu lieu un débat
de fond. L’hôtel Niger en plein centre de la presqu’ile de Kaloum a été démoli,
à sa place il sera construit un autre hôtel et rien n’indique qu’il sera fait
une référence à l’architecture d’origine .A Kindia, la ville des agrumes qui est
située à 135 Km de la capitale, les
locaux qui abritaient la compagnie française de l’Afrique Occidentale Française
(AOF) ont laissé place à un centre commercial qui serait juste un assemblage de
boutiques n’obéissant à aucune architecture respectable. Dans la même rue, il y
avait des immeubles datant de la période coloniale qui ont disparu enlevant
ainsi à cette rue un pan de son histoire. Sans le bâtiment de la poste et deux
autres qui tiennent encore sur le même alignement, cette rue qui est la rue
principale de Kindia aurait perdu toute trace de ce qu’elle était au temps de
la colonisation et même de la première république.
Il faut préciser que parler de la colonisation ne serait en
rien lui faire un quelconque procès, elle est une partie intégrante de notre histoire.
Des chemins de fer, des gares il ne reste rien qu’un
spectacle de désolation. Si la cité chemin de fer a disparu à Kaloum , si
les gares sont soit en ruine soit reconverties à d’autres fins , les rails
eux en bien d’endroits ont disparu , leurs tracés souffriraient même
d’identification dans certaines agglomérations hors de Conakry du fait de
l’occupation anarchique des parcelles. La disparition du Conakry-Niger a laissé
un grand vide dont on peut saisir certains contours en lisant le récit que l’écrivain
guinéen, le natif de Kouroussa, Camara laye a fait de son voyage de retour dans
son roman Dramous .Les mouvements sociétaux, l’économie nationale, la
tradition et la modernité sont restés pendant longtemps tributaires de ces
chemins de fer.
Cependant, quelques exemples de bâtiments ayant défié la
grande soif de modernisation à tout bout de champs sans respect et considération
de la conservation du patrimoine historique architectural méritent d’être cité.
Le palais du 27 aout, témoin des discours du général De Gaulle lors de sa tournée
de 1958 en l’Afrique Occidental Française ainsi que celui du maire de Conakry
de l’époque, le président Ahmed Sekou Touré, est un des meilleurs exemples de
sauvegarde et d’entretien du patrimoine. Le carré ou se trouvent la pharmacie Printania
et les locaux de l’office guinéenne de publicité est aussi un exemple éloquent.
L’école primaire du centre sur le côté opposé à ce carré garde encore ses traits
d’origine malgré tous les projets de rénovation dont elle a fait objet. A
cette liste, on peut ajouter l’ensemble de pavillons qui constitue l’hôpital National
Ignance Deen qui perd son jardin abandonné depuis belle lurette au profit d’un hôtel.
Bien d’autres cas existeraient à travers le pays.
Toutefois, une cartographie du patrimoine architectural doit être
établie. A ce travail, le Ministère de la Culture, des Arts et du Patrimoine
Historique ainsi que celui de l’Urbanisme et de l’Habitat doivent s’atteler urgemment.
Et une politique de conservation et de sauvegarde du patrimoine historique
architectural à laquelle les élus et administrateurs locaux seront associés de
la conception à la mise en œuvre devrait être mise en exergue à cet effet.
Cette politique commandera tout programme de développement et
ou de modernisation de nos villes. La modernisation de nos villes ne saurait être
une altération de leurs identités dont le patrimoine historique architectural
est un des éléments constitutifs.
La ville de paris, par différentes politiques de conservation
et de sauvegarde, a su, à travers des siècles, s’ouvrir à la modernisation tout
en restant respectueuse de son identité. C’est un bon exemple de développement
harmonieux d’une ville.